Synthèse par M. Quantin de l’association Biodynamie Recherche d’un d’un article de Christel et al. publié dans la revue Environmental Chemistry Letters en août 2021.
Titre original : Impact of farming systems on soil ecological quality: a meta-analysis.
Dans une méta-analyse publiée en août 2021 dans la revue Environmental Chemistry Letters, Amélie Christel d’AgroParisTech, Pierre-Alain Maron et Lionel Ranjard de l’INRAE de Dijon font une synthèse des publications scientifiques disponibles sur le lien entre les systèmes de culture et les propriétés écologiques du sol. En effet, si l’impact des pratiques agricoles spécifiques comme le labour, les rotations de culture, le type de fertilisation ou encore les traitements chimiques sur les qualités écologiques des sols est bien connu, il existe peu de connaissances sur l’impact des différents systèmes agricoles dans leur ensemble.
Comparer l’agriculture conventionnelle avec la biodynamie, la bio et l’agriculture de conservation des sols.
Les auteurs ont donc choisi les systèmes de culture qui se présentent aujourd’hui comme des alternatives à l’agriculture conventionnelle, dont les effets délétères sur les sols sont bien connus. Parmi ces alternatives, l’agriculture biologique, la biodynamie et l’agriculture de conservation des sols sont les systèmes qui prétendent actuellement améliorer la durabilité des agroécosystèmes, et sur lesquels ont trouve suffisamment de littérature scientifique.
Dans cette étude, les auteurs n’ont pas choisi une approche analytique qui consisterait à évaluer l’impact d’une pratique agricole particulière (par exemple : le labour) sur les propriétés écologiques du sol. En effet, si ces liens spécifiques ont été largement étudiés ces dernières années, ils sont difficilement transposables dans la réalité des domaines agricoles où l’effet d’une pratique se combine à une autre et produit des effets de synergie ou de compensation. Les travaux de Rillig et Lehman (2019) montrent qu’étudier précisément toutes les combinaisons possibles de pratiques qui influencent la qualité du sol nécessiterait plus de 100 000 comparaisons de critères, sans même prendre en compte les variations pédoclimatiques. Ainsi, il apparaît plus pertinent d’évaluer l’impact des systèmes de culture les plus répandus, à savoir le conventionnel, la bio, la biodynamie et l’agriculture de conservation des sols, puisque ces quatre systèmes sont définis par un ensemble de pratiques bien identifiées.
Comment évaluer les qualités écologiques des sols ?
Le sol est un véritable écosystème qui héberge une importante biodiversité. Un hectare de sol peut contenir jusqu’à 15 tonnes d’organismes vivants, soit 1,5 kg de vie par mètre carré. Ces organismes, petits et grands, participent au fonctionnement du sol, en agissant sur ses propriétés physiques, chimiques et biologiques.
Différents paramètres sont couramment étudiés pour évaluer la qualité des sols. Citons en premier lieu la macrofaune (vers de terre, fourmis, araignées…) qui modifie le sol d’un point de vue physique par la transformation et le recyclage des matières organiques. Leur activité permet de maintenir la porosité et la stabilité structurale du sol. Ces organismes agissent conjointement avec la mésofaune (ex : arthropodes) et la microfaune qui régulent les propriétés chimiques et biologiques des sols. Enfin, les microorganismes (bactéries et champignons) jouent un rôle crucial dans la régulation de la vie du sol. Ils participent au recyclage des éléments et influencent notamment la biodisponibilité des nutriments pour les plantes, tout en régulant l’état sanitaire des sols. Toutes ces fonctions biologiques déterminent in fine les propriétés agronomiques des sols.
Actuellement, les efforts de recherche se concentrent particulièrement sur l’évaluation des communautés de microorganismes dans le sol. Les résultats préliminaires de travaux en cours montrent notamment que ces paramètres sont très sensibles au système de production, et que les bactéries et les champignons ont 80% à 150% d’interactions en plus en biodynamie comparé à l’agriculture conventionnelle et biologique.
Une centaine de publications prises en compte
Dans cette méta-analyse, les auteurs ont identifié toutes les études disponibles avec les mots clés “sol + *bio* ou *diversité ou écologie” combiné aux quatre systèmes de culture pris en compte (conventionnel, agriculture de conservation, bio et biodynamie). Une première série de 423 publications a d’abord été analysée, afin de sélectionner ensuite les études qui adoptaient une démarche systémique, c’est-à-dire qui considèrent le système agricole comme un tout. Ainsi, toutes les études qui ne prenaient en compte qu’une partie du système ont été exclues. Suite à cela, une centaine de publication ont été retenues.
Résumé des résultats
Les résultats montrent que les systèmes conventionnels, biologiques et biodynamiques sont les plus étudiés, alors que l’agriculture de conservation des sols reste peu documentée à ce jour.
Bio et biodynamie VS conventionnel
Les indicateurs biologiques du sol sont améliorés d’environ 70 % en agriculture biologique et biodynamique par rapport à l’agriculture conventionnelle. Néanmoins, ces résultats ne sont pas homogènes pour tous les paramètres étudiés, notamment concernant les vers de terre et des arthropodes. La comparaison entre les systèmes en agriculture biologique et conventionnelle montre globalement que la bio améliore significativement les qualités écologiques du sol. Les résultats les plus robustes portent sur l’abondance, la diversité et les fonctions des microorganismes.
On retrouve des résultats similaires en comparant l’agriculture biodynamique avec le système conventionnel.
Biologique VS biodynamique
Globalement, 43 % des indicateurs biologiques du sol sont améliorés en agriculture biodynamique par rapport à l’agriculture biologique. Une tendance générique se dégage pour les paramètres microbiologiques : l’abondance des microorganismes augmente en moyenne de 71% en biodynamie par rapport à l’agriculture biologique, et l’activité des bactéries et champignons est stimulée de 54%.
Concernant la faune du sol, 86% des résultats ne montrent pas de différences entre les deux systèmes de production, mais les données disponibles sont trop restreintes pour tirer des conclusions sur chaque paramètre pris séparément.
Notons également que si certains travaux montrent une amélioration des propriétés écologiques du sol en agriculture biodynamique, en comparaison avec l’agriculture biologique, 52 % des mesures sur l’ensemble des organismes ne montrent aucune différence entre les deux systèmes.
Les auteurs concluent que la synthèse des travaux à l’échelle du système de culture montre que l’agriculture biodynamique serait plus vertueuse que la bio concernant les propriétés écologiques du sol. Néanmoins, cette différence doit être nuancée par le nombre important de données qui sont similaires dans les deux systèmes de production.
Agriculture de conservation des sols
L’agriculture de conservation des sols obtient de meilleurs résultats que l’agriculture conventionnelle pour 57 % des indicateurs.
Conclusion
Cette méta-analyse permet de classer les systèmes de production selon leur impact positif sur la préservation, voire même l’amélioration, des propriétés écologiques des sols :
Agriculture biodynamique > agriculture biologique ≥ agriculture de conservation > agriculture conventionnelle
L’agriculture biodynamique apparaît comme le mode de culture avec le meilleur impact sur les qualités écologiques du sol. 70% des indicateurs biologiques mesurés en biodynamie sont supérieurs à l’agriculture conventionnelle, et 52% des indicateurs microbiologiques sont supérieurs à l’agriculture biologique. Le système biologique se situe en seconde position, avec 69% des paramètres biologiques supérieurs à l’agriculture conventionnelle. L’agriculture de conservation serait en troisième place, 57% des paramètres favorables en comparaison du conventionnel, avec un manque d’homogénéité dû au faible nombre de publications sur l’agriculture de conservation.
Comment expliquer ces différences ? Certaines pratiques comme la fertilisation organique et les rotations culturales plus longues sont reconnues comme étant plus favorables, tandis que les pesticides et le travail du sol sont les plus nuisibles. Concernant des pratiques plus spécifiques comme l’emploi des préparations biodynamiques (500, 501, préparations du compost), il n’y a à ce jour pas de consensus sur leur potentiel effets positifs sur la qualité des sols, du fait du manque d’études sur le sujet. Les données sur l’agriculture biodynamiques doivent être renforcées. Certaines pratiques comme le travail simplifié du sol et la fertilisation organique permettrait d’expliquer l’impact positif global de la biodynamie sur la qualité des sols. Les effets des pratiques plus spécifiques comme l’utilisation des préparations biodynamiques, la technicité des agriculteurs ou encore l’influence du moment d’application, doivent encore être élucidés.
Merci aux trois co-auteurs, Amélie Christel, Pierre-Alain Maron et Lionel Ranjard pour leur relecture de cet article.